Le Modèle de Supervision à 7 Yeux

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Auteur : Michael Eustace
Source : The Seven Eyed Supervision Model


Traducteur : Fabrice Aimetti
Date : 04/06/2024


Traduction :

Je supervise des psychologues et des psychothérapeutes en m'appuyant sur sept domaines d'intervention qui englobent le client, le thérapeute, le superviseur, les relations entre le thérapeute, le client et le superviseur, ainsi que le système dans son ensemble.

Qu'est-ce que le Modèle de Supervision à 7 Yeux (Seven Eyed Supervision Model) ?

Le modèle de supervision à sept yeux a été développé par Peter Hawkins et Robin Shohet en 1985, qui ont intégré les aspects relationnels et systémiques de la supervision dans un seul modèle théorique. Le modèle est relationnel parce qu'il se concentre sur les relations entre le client, le thérapeute et le superviseur, et systémique parce qu'il se concentre sur l'interaction entre chaque relation et son contexte au sein du système élargi. Le modèle est appelé "à sept yeux" parce qu'il se concentre sur sept aspects distincts du processus thérapeutique, comme expliqué dans les paragraphes suivants. Il est important que les supervisés soient simplement conscients de chacun des "yeux" du modèle, plutôt que de les apprendre par cœur. Ce qui suit est un guide pour chacun des "yeux" du modèle.

Œil 1 : Focus sur le client

Il est tout à fait facile pour nous, thérapeutes, de voir nos clients sous l'angle de leurs problèmes et de la manière dont ils pourraient les résoudre. Ce faisant, nous nous empêchons d'éprouver de l'empathie pour le client, même si nous avons à cœur de défendre ses intérêts - nous objectivons ainsi subtilement nos clients. Se centrer sur le client peut vous aider à être plus à l'écoute de ses motivations, de ses besoins et de ses désirs dans l'instant présent de la relation thérapeutique. Il peut s'agir d'un moyen efficace de faire preuve d'empathie à l'égard du client, c'est-à-dire de vivre la relation thérapeutique de son point de vue.

Les questions suivantes sont des exemples de la manière de se focaliser sur l'expérience du client :

  • Comment entre-t-il dans la pièce ?
  • Comment s'assoit-il ?
  • Comment se tient-il ?
  • Comment parle-t-il ?
  • Comment vous perçoit-il ?

Œil 2 : Focus sur les interventions

Chacun d'entre nous ne peut faire l'expérience de lui-même que de l'intérieur. Cela signifie qu'il y aura toujours des aspects de nous-mêmes dont nous ne sommes pas conscients, des choses que seuls les autres voient. Inversement, il y a des aspects de nous-mêmes que nous cachons aux autres, et il y a ceux qui sont cachés à nous-mêmes et aux autres. En vous concentrant sur les interventions que vous faites auprès de vos clients, vous pouvez découvrir des aspects jusqu'ici cachés de vos relations thérapeutiques. Vous pouvez commencer par vous poser les questions suivantes pour découvrir les aspects cachés de vos relations thérapeutiques :

  • Utilisez-vous plus souvent un certain type d'intervention que d'autres ? Par exemple, si vous posez beaucoup de questions :
    • Dans l'intérêt de qui posez-vous ces questions ?
    • Qu'essayez-vous de découvrir ?
    • Pourquoi ?
  • Qu'essayez-vous de découvrir ?
    • Que gardez-vous pour vous et pourquoi ?
    • Qui protégez-vous ?
    • De qui ou de quoi les protégez-vous ?
  • Si vous pouviez débrancher la partie de votre esprit qui filtre ce qui sort de votre bouche, que diriez-vous à votre client ?
    • Qu'est-ce que cela vous apprend sur vous-même ?
    • Qu'est-ce que cela vous apprend sur votre perception de votre client ?
    • Qu'est-ce que cela vous apprend sur la relation thérapeutique avec votre client ?

Œil 3 : Focus sur la relation client-thérapeute

Lorsque vous et votre client êtes assis ensemble lors d'une séance, vous créez quelque chose de plus grand que la somme de ses parties : une relation. La relation thérapeutique est créée ici et maintenant par le thérapeute et le client et, d'après mon expérience, elle est le moteur du changement thérapeutique. Bien que la qualité de la relation soit souvent le facteur décisif du résultat thérapeutique, il s'agit néanmoins d'une expérience intangible, en constante évolution, qui peut être difficile à décrire. Pour vous aider à prendre du recul sur une relation thérapeutique, il peut être utile de l'envisager de manière créative en utilisant des métaphores ou en la mettant en perspective. Par exemple, vous pouvez commencer par vous poser des questions telles que :

  • Si vous étiez naufragé sur une île déserte avec votre client, comment vous comporteriez-vous chacun ?
    • Que feriez-vous aussitôt pour survivre ?
    • Imaginez que vous êtes sur l'île depuis un mois. Comment vous comportez-vous maintenant ?
  • Pensez à la dernière séance avec votre client et imaginez que vous y assistez en tant qu'observateur. Que remarquez-vous chez le client et le thérapeute ?
  • Si vous étiez tous deux des animaux, que seriez-vous ? (Par exemple : "Je suis un chat et mon client est une souris").
    • Comment interagissez-vous l'un avec l'autre ? (Par exemple : "Le chat poursuit la souris ! ... Je pense que ma cliente veut me fuir ... Je pense qu'elle a peur ... Je n'avais pas envisagé les choses sous cet angle").
  • Comment imaginez-vous le transfert et le contre-transfert dans cette relation ?

Œil 4 : Focus sur le processus du thérapeute

Vous avez le luxe de vous connaître de l'intérieur. Vous vous connaissez mieux que quiconque, vous êtes l'expert de vous-même. Votre "processus" est la somme de vos pensées, de vos émotions, de vos sensations et de votre comportement (par exemple votre langage corporel) à chaque instant en réponse à votre client. Si vous parvenez à prendre conscience de votre processus, vous découvrirez peut-être un flux inestimable de "données" qui vous permettront d'en apprendre beaucoup sur le client, sur vous-même et sur la relation qui vous unit, alors que vous ne le saviez pas auparavant. Par exemple, vous pouvez utiliser la prise de conscience de votre processus pour découvrir ce qui, en vous, peut gêner la thérapie.

Il est important de noter que se concentrer sur son propre processus ne signifie pas interpréter ce que l'on sait du client, il s'agit d'être attentif à l'expérience que l'on a de soi-même dans l'ici et le maintenant. Si vous souhaitez approfondir ce sujet, je vous recommande de lire le chapitre 7 du livre Experiencing And The Creation of Meaning, d'Eugene Gendlin.

Les questions à considérer pour l'œil 4 sont les suivantes :

  • Comment vous sentez-vous émotionnellement en réponse à votre client ?
  • Quelles sont vos sensations physiques en réponse à votre client ?
  • Quelles sont les pensées que vous avez à propos de votre client ?
  • Observez votre langage corporel en réponse à votre client. Que dites-vous à travers vos gestes ?
  • Qu'imaginez-vous que le client vous dit secrètement ? (par exemple : "S'il vous plaît, réparez-moi").
  • Que dites-vous secrètement au client ? (par exemple : "J'ai besoin que vous m'aimiez").

Œil 5 : Focus sur la relation thérapeute-superviseur

Ce qui se passe dans la salle de consultation peut être reproduit ultérieurement entre le thérapeute et le superviseur. C'est ce que l'on appelle souvent le processus parallèle. Par exemple, le thérapeute peut se mettre en colère, pleurer, être irrité, etc. lorsqu'il parle de son client et découvrir qu'en fait son client éprouve les mêmes émotions. Le processus parallèle peut être plus subtil : identifier quand vous vous ennuyez, quand vous êtes sur la défensive ou quand vous ressentez d'autres émotions moins évidentes peut vous aider à mieux comprendre le système client-thérapeute. Le processus parallèle peut également fonctionner à l'inverse : la relation entre vous et votre client peut refléter ce qui se passe à votre insu entre vous et votre superviseur ! Les questions suivantes illustrent le type de questionnement qui vous aide à reconnaître le processus parallèle :

  • En quoi suis-je semblable à mon client ?
  • Qu'est-ce que je cache à mon superviseur ?
  • Comment est-ce que je considère mon superviseur lorsque je parle de mon client ?
  • Comment est-ce que je considère mon client dans les séances qui suivent immédiatement la supervision ?


Cliquez ici pour lire un excellent article de Psychology Today sur le processus parallèle.

Œil 6 : Focus sur le processus du superviseur

L'une de mes tâches en tant que superviseur est de porter mon attention sur mon propre processus, de la même manière que vous, en tant que supervisé, portez votre attention sur votre processus, comme décrit dans l'œil 4. Me focaliser sur mon processus m'aide à mieux comprendre le processus parallèle, la qualité de la relation de supervision et ma "relation par procuration/votre intermédiaire" avec votre client, c'est-à-dire comment j'imagine votre client, comment j'imagine la relation thérapeutique et comment j'imagine que j'interagirais avec lui si j'étais à votre place. L'attention que je porte à mon processus peut nous aider à identifier comment notre relation reflète votre relation avec votre client d'une manière qui vous serait autrement étrangère. Par exemple, je me surprends parfois à attribuer au client des sentiments qui résonnent bien avec mon supervisé : "En parlant de votre client, je remarque que je me sens très triste, je me demande ce qu'il peut ressentir." "Oui, c'est ça, il a l'air triste. Il a l'air très triste". Dans cet exemple, vous pouvez ensuite explorer la tristesse avec votre client et lui permettre de vous dire ce qu'il ressent. Il se peut aussi que nous découvrions que la tristesse est mienne, qu'elle provient de mon passé et qu'elle n'a rien à voir avec la relation thérapeutique, auquel cas je suis en mesure de reconnaître que j'introduis dans ma vision de la relation quelque chose qui ne colle pas. Rappelez-vous : lorsque vous utilisez les yeux 4 et 6, vous et moi ne sommes pas en train d'interpréter pour le client, nous nous concentrons sur nos propres processus.

Œil 7 : Focus sur le contexte élargi

Le contexte élargi est le contexte actuel et historique de la relation entre le client, le thérapeute et le superviseur. Il comprend deux types d'influence importants, que l'on peut appeler les parties prenantes et les fantômes.

Les parties prenantes sont les éléments du contexte général qui influencent actuellement la relation. Par exemple :

  • L'organisation pour laquelle vous travaillez.
  • Les organismes de réglementation auxquels nous appartenons tous.
  • Les cadres éthiques auxquels nous sommes liés.
  • Le système plus large de personnes et d'organisations (influences) dans la vie du client (par exemple, le partenaire, les enfants, les parents, le médecin généraliste, le psychiatre, le service de probation, l'assistant social, etc.)
  • Les influences plus larges dans ma vie.
  • Les influences plus larges dans votre vie.


Les fantômes sont ces éléments du contexte élargi qui ne sont plus là, mais dont les effets demeurent dans votre vie, dans la mienne et dans celle du client. Par exemple :

  • Les enseignants.
  • Les membres de la famille décédés.
  • Les événements marquants.
  • D'autres personnes de notre histoire personnelle.


On pourrait dire que le septième œil est le plus important, si l'on considère que nous sommes la somme de nos expériences, passées et présentes. Comprendre les influences externes dans la relation client-thérapeute-superviseur peut vous aider :

  • Sortir de l'impasse - lorsque la thérapie semble ne mener nulle part, est-ce dû à l'influence non reconnue d'un fantôme ou d'une partie prenante (par exemple, un thérapeute peut avoir peur de faire certaines interventions (parce qu'il a une croyance fondamentale qui lui dit que ce serait mal).
  • Résoudre des dilemmes éthiques (par exemple, savoir si un client est déjà en contact avec son médecin généraliste peut vous aider à décider quand et comment vous pouvez rompre la confidentialité).
  • Identifier des thèmes communs dans votre travail avec les clients (par exemple, y a-t-il des aspects systématiques dans la façon dont vous percevez vos clients, qui résultent de votre éducation ?)