La culture n'est pas un discours

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Auteur : Charles Lambdin
Source : Culture Isn't Talk
Date : 06/02/2004


Traducteur : Fabrice Aimetti
Date : 14/07/2024


Traduction :

La culture d'entreprise n'est pas aussi mystérieuse qu'on le dit souvent. Pour s'en rendre compte, cependant, il faut d'abord admettre certaines choses que les dirigeants ne veulent souvent pas admettre. La plus importante d'entre elles - surprise, surprise - est de savoir ce qui détermine réellement la culture. Les managers ont tendance à considérer la culture comme une sorte d'exercice d'image de marque, comme quelque chose qu'il leur suffit d'évoquer pour qu'elle existe.

On tente ainsi de réduire la culture à des valeurs déclarées, à la couche intermédiaire du modèle culturel de Schein. La pyramide de Schein évoque fortement un iceberg, les véritables hypothèses en jeu se trouvant "sous la surface". Bien qu'utile pour vérifier la congruence, ce modèle ne va pas assez loin. Après tout, d'où viennent les hypothèses ?



En posant une question similaire sur Twitter (euh, je veux dire "X"), Matt Barcomb m'a orienté vers la pyramide des résultats. En cherchant sur Google, j'ai découvert le livre Propeller. La culture d'entreprise y est définie comme la somme des expériences, des croyances et des actions qui permettent à une organisation d'atteindre des résultats clés. Les résultats sont créés par le comportement, les personnes agissent en fonction de leurs croyances, et leurs croyances sont largement influencées par leur expérience du monde réel. Sous les hypothèses se cache donc l'expérience. Cela nous rapproche, mais nous devons encore aller plus loin. Comment changer l'expérience des personnes ?



Le modèle que je préfère est le concept marxiste de "base et superstructure". L'idée est que la culture et les sous-produits culturels sont en grande partie une manifestation des réalités et des motivations économiques sous-jacentes. Dans ce modèle, la "base" peut être considérée comme une dynamique de pouvoir donnée agissant dans le monde, qui influence et se mélange à la superstructure passée pour donner naissance à une nouvelle idéologie, une nouvelle "superstructure", qui renforce à son tour la base existante. Cette idéologie est, dans un sens très réel, la culture d'entreprise actuelle (ou "mythologie" d'entreprise), qui découle de la base actuelle et la renforce. Le modèle est beau dans sa simplicité. Il est stimulant. Et surtout, il est honnête.



Les personnes font en grande partie ce qu'elles sont incitées à faire. Il ne s'agit pas d'une révélation fracassante. Nous le savons déjà, mais nous agissons souvent comme si nous ne le savions pas. Prenons par exemple la célèbre citation de Goldratt dans The Haystack Syndrome : "Dites-moi comment vous me mesurez, et je vous dirai comment je me comporterai. Si vous me mesurez de manière illogique... ne vous plaignez pas d'un comportement illogique". Ou encore les 14 points de Deming, souvent ignorés, qui mettent en évidence à quel point la culture réelle découle de la manière dont les évaluations des performances sont gérées.

Cependant, les managers n'aiment pas cela. Ils veulent que les initiatives de changement de culture restent confinées à la superstructure, à des choses telles que les récits, les valeurs et l'image de marque, tout en jouant leur rôle d'évaluation, de classement et de distribution forcée, en prétendant pendant tout ce temps qu'en faisant cela, ils ne sont pas en train de définir la culture. En bref, ils veulent que le changement de culture soit gratuit... mais ce n'est pas ainsi que cela fonctionne. Tout en esquivant les éléments qui déterminent la culture et en mettant en avant ceux qui ne la déterminent pas, ils prétendent en même temps que la question est "complexe".

Avec toutes nos excuses à Cynefin, dire que quelque chose est "complexe" n'est souvent qu'une excuse. La vérité est qu'il n'est pas difficile de changer de culture, à condition d'être honnête sur ce qu'est la culture. Ce qui détermine la culture, c'est : 1) ce pour quoi les gens sont réellement récompensés ; et 2) l'intégrité perçue des dirigeants/managers/leaders, qui dépend de leur comportement (et non de leur discours).

En empruntant un modèle que j'ai appris d'Accenture, cela nous permet d'actualiser notre iceberg par le haut, en améliorant la pyramide de Schein et en l'alignant davantage sur le concept de base et de superstructure.



Plus on va en profondeur, plus le levier est important. Lorsque les belles paroles ne sont pas en adéquation avec les récompenses réelles ni avec le comportement des dirigeants, l'organisation n'est pas congruente. Comme l'a dit Gerald Weinberg, "les mots et la musique ne correspondent pas". Le point essentiel ici est que la musique dicte la culture, c'est le signal, et que les mots sont souvent du bruit. Lorsque nous parvenons à mieux ignorer les mots et à trouver la musique, les choses deviennent beaucoup plus simples.

Lorsque les managers prétendent que c'est l'image de marque de leur superstructure qui détermine la culture, ils supposent qu'ils ont un pouvoir d'envoûtement qu'ils ne possèdent pas en réalité. Lorsqu'ils l'ignorent, non seulement ils perdent du temps et de l'argent dans des initiatives de changement de culture vouées à l'échec, mais ils ternissent également leur propre réputation. Pour reprendre un concept de Senn Delaney, cette non congruence projette une "ombre" négative. Cela assombrit leur réputation et crée une culture du malaise et de la méfiance.



En conclusion, les entreprises nous disent haut et fort quelle est leur véritable culture... lorsque nous écoutons la musique.

Si une entreprise récompense le fait de rester occupé plutôt que d'augmenter le rendement, elle nous dit qu'en toute honnêteté, le fait de rester occupé est plus important que le rendement. Telle est la culture.

Si une entreprise affirme qu'elle valorise l'agilité tout en ne récompensant que la vélocité, alors c'est cela la culture.

Si une entreprise affirme qu'elle valorise l'innovation et la prise de risque sans crainte, mais qu'elle punit l'échec, c'est qu'en fait il s'agit d'une culture d'aversion au risque, quelles que soient les paroles prononcées.

Nous devons apprendre à écouter la musique.

Nous devons admettre que la culture n'est pas un discours.

Jusqu'à la prochaine fois.