L'histoire de Taylor et Gilbreth

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Auteur : Christoph Roser
Source : The Tale of Taylor and Gilbreth
Date : 10/11/2013


Traducteur : Fabrice Aimetti
Date : 23/08/2025


Traduction :


Le management moderne du lieu de travail a sans aucun doute commencé avec Frederick Winslow Taylor (1856-1915), qui a presque à lui seul créé le management industriel moderne. Il a été le premier à mesurer le travail industriel et à utiliser les résultats pour améliorer l'efficacité. Malgré cela, l'efficacité a été considérablement améliorée par Frank et Lillian Gilbreth (respectivement 1868-1924 et 1878-1972). Malheureusement, Frederick Taylor et Frank Gilbreth étaient en conflit l'un avec l'autre. Cet article examine l'histoire de la naissance de ce conflit et la manière dont Lillian Gilbreth l'a résolu après leur mort.


Frederick Winslow Taylor

Frederick Taylor est considéré comme le père de la science moderne du management. Alors qu'il était destiné à étudier le droit à Harvard, il est finalement devenu machiniste. Après avoir débuté dans l'atelier, il a fondé tout le domaine du management scientifique, souvent appelé "taylorisme" en son honneur.

Son projet le plus célèbre a été l'optimisation du chargement de la fonte brute sur des wagons à la Bethlehem Steel Company. Grâce à ses méthodes, il a augmenté le chargement de fer de 12 tonnes par jour à 47 tonnes par jour, même si des recherches modernes ont montré qu'il avait clairement falsifié ses chiffres.

Quoi qu'il en soit, il a fondé tout le domaine du management scientifique en mesurant le travail et en essayant d'améliorer l'efficacité.

Frank Bunker Gilbreth

Comme Taylor, Gilbreth a commencé par travailler de ses mains, en l'occurrence comme maçon. Il s'est mis à optimiser les méthodes de maçonnerie, améliorant considérablement la vitesse de pose des briques, et s'est rapidement retrouvé à travailler comme consultant dans le domaine du taylorisme.

Sa principale contribution a été de diviser tout le travail humain en un certain nombre de gestes/mouvements individuels, qu'il a appelés "Therbligs", puis d'optimiser ces gestes afin d'améliorer l'efficacité. Par exemple, pour la maçonnerie, il a créé un échafaudage réglable afin que les briques, le travailleur et le mur soient toujours à la même hauteur, et que le travailleur n'ait donc pas à se pencher ou à tendre les bras.

Il a également optimisé le travail des chirurgiens en instaurant la méthode désormais courante consistant à ce qu'une infirmière passe les instruments au chirurgien plutôt que ce dernier doive se retourner pour chercher le bon outil. En réduisant la durée des opérations, il a augmenté les chances de survie des patients, sauvé des milliers de vies et irrité les chirurgiens lorsqu'ils ont découvert qu'il utilisait les mêmes méthodes pour les maçons. Ces médecins qui se croient supérieurs méritaient certainement mieux que d'être comparés à des maçons. 😉

Dans l'ensemble, ses travaux ont servi de base à tous les systèmes de gestes/mouvements prédéterminés utilisés aujourd'hui. Ils ont également parfaitement complété le taylorisme.

Le conflit

Taylor était doué pour optimiser le travail. Mais plus encore, il était têtu. Quiconque souhaitait travailler avec Taylor devait être d'accord avec lui ou se préparer à une lutte sans fin, peu importe qui payait son salaire. Taylor n'hésitait pas à se battre contre ses employeurs et ses clients pour défendre sa façon de faire les choses.

Il s'est ainsi disputé avec de nombreux autres chercheurs. Au départ, il a rendu hommage au travail de Gilbreth, mais il a rapidement commencé à se disputer avec lui aussi. Taylor considérait ses méthodes comme inadaptées. Après la mort de Taylor, sa société Taylor est même passée à la vitesse supérieure, et Gilbreth s'est retrouvé sous le feu des critiques académiques de la part de la société Taylor, beaucoup plus puissante. Ils ont repris l'approche de Gilbreth – merci beaucoup – mais l'ont attribuée à leur propre société tout en dénigrant Gilbreth.

Alors que Taylor avait créé une grande société de disciples, Gilbreth ne travaillait qu'avec un petit groupe. Ainsi, après la mort de Gilbreth, il semblait que la société Taylor avait gagné. Cependant, une femme a fait la différence !

Lillian Moller Gilbreth

Lillian Gilbreth était une femme de pouvoir. Non seulement elle a fait des études universitaires – ce qui était rare pour les femmes vers 1900 –, mais elle a même obtenu un doctorat en psychologie. Elle a également apporté une contribution significative aux recherches de son mari et a été l'une des premières femmes ingénieurs et la première psychologue industrielle. Elle a notamment contribué de manière significative à la conception de la cuisine moderne. Auparavant, une cuisine comportait une table de travail au centre, avec des étagères sur les murs. Par conséquent, les femmes (et c'étaient principalement des femmes qui travaillaient dans la cuisine en 1920) devaient se retourner chaque fois qu'elles avaient besoin de quelque chose. Lillian Gilbreth a établi l'aménagement moderne de la cuisine avec un espace de travail autour des murs et des étagères pour les outils et les ingrédients au-dessus et en dessous.

Elle a également donné naissance à douze enfants, dont onze ont atteint l'âge adulte. Si vous avez déjà eu un enfant, vous appréciez certainement le travail nécessaire pour en élever onze ! Mais elle et son mari ont également mis à profit leurs compétences en matière d'efficacité organisationnelle dans l'éducation de leurs enfants (si vous souhaitez en savoir plus, il existe un excellent livre, Treize à la douzaine (Cheaper by the Dozen), qui a également été adapté au cinéma en 1950).

Après la mort de son mari, elle a réussi à promouvoir le travail de celui-ci, à conseiller ces méthodes dans l'industrie et à faire la paix avec la société Taylor. Non seulement la société Taylor a mis fin au conflit, mais elle a même reconnu les contributions des Gilbreth et loué leur travail. C'est principalement grâce à son travail que le nom Gilbreth est aujourd'hui reconnu comme un contributeur majeur à l'efficacité moderne du lieu de travail.

PS : si vous souhaitez en savoir plus sur l'histoire de l'industrie manufacturière, consultez mon ouvrage :
Roser, Christoph, 2016. "Faster, Better, Cheaper" in the History of Manufacturing: From the Stone Age to Lean Manufacturing and Beyond, 439 pages, 1re éd. Productivity Press.