« Une typologie des organisations culturelles » : différence entre les versions

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Version du 14 juillet 2024 à 09:22

Auteur : Professeur Ron Westrum, Département de sociologie, Eastern Michigan University, Ypsilanti, MI 48197, USA ; onwestrum@aol.com
Source : A typology of organisational cultures - Qual Saf Health Care
Date : 2004


Traducteur : Fabrice Aimetti
Date : 09/07/2024


Traduction :

Il est largement admis que la culture organisationnelle influence de nombreux aspects de la performance, y compris la sécurité. Pourtant, il est difficile de trouver des preuves de cette relation dans un contexte médical. Contrairement aux facteurs humains, dont les contributions sont nombreuses et notables, l'impact de la culture reste un concept de bon sens plutôt que scientifique. Les objectifs de ce document sont de montrer que la culture organisationnelle a une relation prédictive avec la sécurité et que certains types de culture organisationnelle améliorent la sécurité, et de développer une typologie prédictive de la performance en matière de sécurité. Étant donné que le flux d'informations est à la fois influent et révélateur d'autres aspects de la culture, il peut être utilisé pour prédire le comportement des organisations ou de certaines parties d'entre elles lorsque des signes de problèmes apparaissent. Des études de cas et quelques recherches systématiques montrent que la culture de l'information est effectivement associée aux rapports d'erreurs et à la performance, y compris la sécurité. Cependant, cette relation entre la culture et la sécurité doit être explorée plus en profondeur avant de pouvoir être considérée comme certaine.

Une typologie des cultures organisationnelles est décrite, basée sur le style de traitement des informations adopté par une unité médicale. Une culture est définie comme le modèle de réponse de l'organisation aux problèmes et aux opportunités qu'elle rencontre. Trois types dominants - pathologique, bureaucratique et génératif - sont décrits. Ces types sont influencés par les préoccupations des dirigeants de l'unité. Le personnel répond ensuite à ces priorités, créant ainsi la culture. L'accent mis sur les besoins personnels conduit à un environnement pathologique, l'accent mis sur le fonctionnement du service à un style bureaucratique et l'accent mis sur la mission à un style génératif. Ces types d'organisation réagissent de manière caractéristique aux signes de difficultés et aux opportunités d'innovation. La valeur d'une culture d'investigation réfléchie est illustrée par des études de cas. Bien que les études de cas étayant ce schéma soient nombreuses, les tests systématiques de l'hypothèse sont plus difficiles à trouver. Si certaines études systématiques démontrent une relation entre les résultats médicaux et les trois cultures, d'autres ne la démontrent pas. Néanmoins, cela représente un moyen original d'aborder le problème de la caractérisation de la culture des unités médicales.

La culture façonne la réponse d'une organisation aux problèmes. L'idée la plus utile est probablement de considérer la culture comme l'ensemble des processus qui façonnent la réponse de l'organisation aux défis auxquels elle est confrontée. Il est utile de considérer les réponses des organisations comme formant des modèles cohérents. Nous pourrions considérer la culture d'une organisation comme analogue à la personnalité d'un individu. Les différences entre les schémas de réponse peuvent être frappantes. Par exemple, le politologue Robert Putnam a systématiquement comparé les schémas d'action des nouveaux gouvernements régionaux italiens. Chacun de ces gouvernements reflétait la culture dominante de sa région. Chacun d'entre eux avait des réactions systématiquement différentes, même pour des questions simples telles que répondre à une lettre d'électeurs.

Nous avons été heureux de découvrir une cohérence étonnamment grande entre nos douze indicateurs de performance institutionnelle. Les régions qui ont des cabinets stables, qui adoptent leurs budgets à temps, qui dépensent leurs crédits comme prévu et qui sont les pionnières de la nouvelle législation sont, pour la plupart, les mêmes régions qui fournissent des crèches et des cliniques familiales, qui développent une planification urbaine globale, qui accordent des prêts aux agriculteurs et qui répondent rapidement à leur courrier.1

Putnam a constaté que la culture implique un modèle de pensée, d'émotion et d'action. Tous ces éléments contribuent à façonner la réponse aux problèmes et aux opportunités. La culture est donc la façon dont une organisation répond à ses défis, qu'ils soient explicites (par exemple une crise) ou implicites (un problème latent ou une opportunité). Si l'on accepte ce postulat, des questions incontournables se posent :

  • Comment classer les cultures ?
  • Comment les cultures se développent-elles ?
  • Comment ces cultures peuvent-elles être modifiées ou améliorées ?
  • Quelles sont leurs implications pour la sécurité des patients ?

Dans ce qui suit, nous tenterons de répondre à ces questions.

Le modèle des trois cultures

Parler de culture organisationnelle, c'est aborder de nombreux problèmes. Les approches en la matière ont été diverses et, même en mettant l'accent sur la sécurité des systèmes, il ne semble pas y avoir de compréhension commune de ce qu'est la culture.2 La culture s'applique-t-elle à l'ensemble de l'organisation ou également à ses différentes parties ? En quoi la culture diffère-t-elle de l'ambiance de travail ? La culture peut-elle être mesurée par des enquêtes auprès des individus ou doit-elle être déduite du comportement de l'organisation ? Ces questions sont importantes, mais les aborder nous entraînerait trop loin. La question la plus cruciale pour la santé organisationnelle est celle du flux d'informations. En 1988, j'ai créé une typologie pour comparer la manière dont les organisations traitaient l'information.3 Cette typologie fait suite à des travaux antérieurs concernant l'intelligence sociale sur les événements non visibles ; par exemple, la réponse au syndrome de l'enfant battu.4 L'idée était de caractériser les manières générales de faire face à l'information, en particulier à l'information qui suggère une anomalie. Les défaillances dans la circulation de l'information figurent en bonne place dans de nombreux accidents majeurs, mais la circulation de l'information est également un marqueur type de la culture organisationnelle. Dans certaines organisations, l'information circule bien et suscite des réponses rapides et appropriées. Dans d'autres, elle est accaparée pour des raisons politiques ou se perd dans les méandres de la bureaucratie. Cette typologie s'est avérée utile dans divers domaines liés à la sécurité, tels que l'aviation, l'énergie nucléaire et, de plus en plus, la médecine. Bien que la typologie ne soit pas une mesure directe de la culture de la sécurité, elle semble avoir un lien étroit avec la sécurité. Si de nombreux praticiens (tels que l'US Air Line Pilots Association) trouvent la typologie intuitive et facile à utiliser, ses spécificités sont encore en cours d'élaboration.

L'idée sous-jacente est que les dirigeants, par leurs préoccupations, façonnent la culture d'une unité. Par leurs actions symboliques, ainsi que par les récompenses et les punitions, les dirigeants communiquent ce qu'ils jugent important. Ces préférences deviennent alors la préoccupation du personnel de l'organisation, car les récompenses, les punitions et les ressources suivent les préférences des dirigeants. Ceux qui s'alignent sur les préférences seront récompensés, et ceux qui ne le sont pas seront mis de côté. La plupart des membres de longue date de l'organisation savent instinctivement comment lire les tendances et ceux qui ne le font pas ne tardent pas à en payer le prix fort.

J'identifierais trois modèles spécifiques. Le premier est une préoccupation pour le pouvoir, les besoins et la gloire personnels. Le deuxième est une préoccupation pour les règles, les positions et le territoire couvert par le service. Le troisième consiste à se concentrer sur la mission elle-même, plutôt que sur les personnes ou les postes. J'appelle cela, respectivement, des schémas pathologiques, bureaucratiques et génératifs. Ces préoccupations génèrent l'ambiance de travail reconnaissable qui affectent le traitement de l'information et d'autres activités cognitives. Cette ambiance de travail influencent des activités telles que la communication, la coopération, l'innovation et la résolution de problèmes. Bien que cette corrélation soit une hypothèse, elle repose sur un nombre considérable d'observations et d'études. Les facteurs à l'origine de cette corrélation sont encore en cours d'étude. La typologie est présentée dans le tableau 1 :



Le système se concentre sur le flux d'informations en tant que variable clé. Le flux d'informations ne comprend pas seulement la quantité d'informations qui circulent d'un point A à un point B, mais aussi leur pertinence, leur caractère opportun et leur adéquation au destinataire. Les organisations génératives transmettent les informations nécessaires à la bonne personne, sous la bonne forme et dans les délais impartis. Ce comportement est basé sur la conviction du dirigeant que l'objectif le plus important est d'accomplir la mission. La clé qui guide le comportement en matière de communication est donc la suivante : "Qui a besoin de l'information maintenant ?" Les organisations génératives ont tendance à être proactives et à transmettre l'information aux bonnes personnes par tous les moyens nécessaires.5

En revanche, les cercles pathologiques ont tendance à considérer l'information comme une ressource personnelle, à utiliser dans les luttes de pouvoir politiques.

Le système se concentre sur le flux d'informations en tant que variable clé. Le flux d'informations ne comprend pas seulement la quantité d'informations qui circulent d'un point A à un point B, mais aussi leur pertinence, leur caractère opportun et leur adéquation au destinataire. Les organisations génératives transmettent les informations nécessaires à la bonne personne, sous la bonne forme et dans les délais impartis. Ce comportement est basé sur la conviction du dirigeant que l'objectif le plus important est d'accomplir la mission. La clé qui guide le comportement en matière de communication est donc la suivante : "Qui a besoin de l'information maintenant ?" Les organisations génératives ont tendance à être proactives et à transmettre l'information aux bonnes personnes par tous les moyens nécessaires.5

En revanche, les cercles pathologiques ont tendance à considérer l'information comme une ressource personnelle, à utiliser dans les luttes de pouvoir politiques. Elle sera retenue, diffusée ou utilisée comme une arme pour faire avancer certaines parties au sein de l'organisation. Le roman de Robert Daley, Man with a gun, commence par une réunion au sommet du quartier général de la police à New York6. Le livre souligne que, bien que l'objectif apparent de la réunion soit de résoudre certains problèmes liés aux patrouilles de police, l'objectif réel de la réunion est de mettre le chef de patrouille dans l'embarras et de l'amener à démissionner. Une telle exploitation détournée de l'information est typique des organisations pathologiques. En 2003, lorsque l'actuaire en chef du programme américain Medicare a élaboré des estimations budgétaires qui dérangeaient l'administration, son chef de bureau, Tom Scully, lui a demandé de se taire, faute de quoi il le "licencierait si vite que ça lui donnerait le tournis".7 D'autres exemples me viennent facilement à l'esprit.

Les schémas de traitement de l'information reflètent donc l'ambiance de travail. Si les dirigeants insistent sur le fait que l'information doit contribuer à l'accomplissement de la mission, c'est cette utilisation qui prédominera. Si les dirigeants insistent sur le fait que l'information doit servir les objectifs du service, ce comportement sera prédominant. Si les dirigeants montrent par leur comportement que l'information n'est importante que dans la mesure où elle favorise ou entrave leurs intérêts personnels, cette utilisation prédominera.

Lorsque des organisations bureaucratiques doivent transmettre des informations au bon destinataire, elles sont susceptibles d'utiliser les canaux ou procédures standard. Ces canaux et procédures standards sont souvent insuffisants en cas de crise. Elles ont échoué, par exemple, dans les communications entre la police et les pompiers de New York le 11 septembre 2001. La police savait que la tour nord du World Trade Center était sur le point de s'effondrer, mais n'a pas communiqué cette information aux pompiers qui se trouvaient à l'intérieur de la tour, dont beaucoup sont morts.8 En revanche, dans les mêmes circonstances, de nombreuses organisations génératives franchiraient les frontières des services ou utiliseraient une voie détournée pour faire parvenir l'information à l'endroit où elle est nécessaire. La catastrophe spatiale d'Apollo 13 est un excellent exemple de réponse générative.9 En revanche, les maladresses qui ont conduit à la disparition de la navette spatiale Columbia montrent la bureaucratie dans ce qu'elle a de pire.10

Là encore, l'ambiance de travail qui assure une bonne circulation de l'information est susceptible de soutenir et d'encourager d'autres types de comportements coopératifs et favorisant l'accomplissement de la mission, tels que la résolution de problèmes, l'innovation et le rapprochement entre les services. Lorsque les choses vont mal, les ambiances de travail pathologiques encouragent la recherche d'un bouc émissaire, les organisations bureaucratiques recherchent la justice, tandis que les organisations génératives tentent de découvrir les problèmes fondamentaux du système. Les effets de l'ambiance de travail sur la circulation de l'information sont omniprésents. Et ils sont omniprésents parce que l'ambiance de travail façonne trois variables essentielles : l'alignement, la prise de conscience et l'autonomisation (empowerment).

Dans une organisation générative, l'alignement se fait par adhésion à la mission. L'individu "adhère" à ce qu'il est censé faire et à son effet sur le résultat. Le sentiment de responsabilité (ownership) est une conséquence naturelle de la reconnaissance des dirigeants et de l'équipe. En conséquence, cette personne fera plus d'efforts pour atteindre le résultat et s'en préoccupera davantage. En revanche, dans une organisation bureaucratique, l'alignement sur l'unité ou la fonction de la personne remplace l'alignement sur la mission. L'intérêt du service sera défendu sans tenir compte de son effet sur la mission. Dans les organisations pathologiques, l'alignement se fait généralement sur une personne ou une clique, dont les intérêts sont défendus avant toute autre loyauté. La querelle entre Robert Gallo et le chercheur français Luc Montagnier sur la nature du SIDA montre comment les besoins personnels peuvent interférer avec la résolution d'un problème social clé.11

La prise de conscience intervient lorsque des efforts conscients sont déployés pour tenir les membres de l'équipe informés de toutes les variables qui affectent leurs efforts. C'est dans les organisations génératives que ces efforts sont les plus importants. Au lieu de travailler dans l'obscurité sur des questions qui ont une incidence matérielle sur ce qu'ils font, les membres de l'équipe sont mis au courant de ce qui se passe et de ses raisons. Ils ont une vue d'ensemble de la situation. Cette prise de conscience signifie également qu'ils sont susceptibles de prendre en compte davantage de facteurs et de besoins des autres, ce que Roberts et Weick appellent l'interaction attentive.12 En revanche, dans les organisations bureaucratiques, la prise de conscience est nécessairement limitée par la fonction personnelle ou la fonction du service. Lorsque les techniciens travaillant sur le télescope spatial Hubble ont manipulé la tête de mesure critique, ils n'ont pas réalisé qu'ils étaient à l'origine d'un problème de plusieurs milliards de dollars.13 Dans les organisations pathologiques, les implications pour les luttes de pouvoir sont au centre des préoccupations.

La responsabilisation (empowerment) présente elle aussi des schémas très différents dans les trois cultures. Les organisations génératives ont besoin de la responsabilisation pour obtenir des performances maximales. L'esprit des individus est mobilisé pour atteindre les objectifs de l'organisation par le biais d'une culture de recherche délibérée. Ils sont encouragés à s'exprimer, à sortir des sentiers battus et à agir en tant que participants pleinement conscients d'une grande entreprise basée sur la coopération. Dans les organisations bureaucratiques, cependant, la réflexion peut s'arrêter aux limites du service parce que ce qui se trouve au-delà ne me concerne pas, même si cela peut être d'une grande importance pour la mission. La capacité de penser est souvent étendue à la capacité d'agir. Lorsque les managers de la navette spatiale Columbia ont estimé qu'ils ne pouvaient rien faire pour sauver le vaisseau s'il était endommagé, ils ont fait peu d'efforts pour obtenir des photographies en vol, et ont même gêné ceux qui les cherchaient désespérément.14 De même, les radiologues qui ont rapidement pris conscience de l'existence d'enfants battus n'ont souvent pas fait grand-chose avec les informations qu'ils ont obtenues parce qu'ils avaient peu d'influence au-delà de l'hôpital.15

Bien que le flux d'informations ait une influence déterminante, cela ne signifie pas toujours que l'organisation qui dispose d'un meilleur flux d'informations est plus créative, plus harmonieuse ou plus sûre. Le flux d'informations aide l'organisation à atteindre ses objectifs, quels qu'ils soient. La sécurité peut être ou non la valeur suprême. Pourtant, dans l'ensemble, les organisations génératives (celles qui ont un bon flux d'informations) sont probablement plus créatives, plus harmonieuses et plus sûres. La raison en est simple : les conditions qui créent une bonne circulation de l'information sont généralement celles qui favorisent la coopération, la créativité et la sécurité. En revanche, les conditions qui entravent la circulation de l'information tendent également à diminuer la créativité, à créer des conflits et à rendre l'organisation concernée moins sûre.

Le modèle ne rend compte que d'une partie de la culture organisationnelle. Le modèle reste muet sur de nombreux points, tels que la formation, la structure et les styles de résolution de problèmes, pour n'en citer que quelques-uns. En outre, la relation entre l'ambiance de travail et les performances est statistique et non déterministe. Il existe de nombreuses organisations qui sont efficaces mais qui ne sont pas génératives, et dont les performances sont basées sur d'autres caractéristiques, telles qu'un algorithme génial ou un leader charismatique. Compte tenu de ces limites, il est normal de parler d'une typologie de culture organisationnelle.

Étude de cas

Un grand nombre d'études de cas et de preuves anecdotiques suggèrent que les environnements génératifs, avec un niveau élevé d'alignement, de prise de conscience et de responsabilisation (empowerment), sont plus efficaces que les autres alternatives. La création d'un environnement génératif à bord du destroyer USS Benfold en est un bon exemple dans le domaine militaire. Grâce à un programme remarquable visant à encourager la formation croisée, la participation et la créativité, le commandant Michael Abrashoff a créé un palais flottant de la créativité. L'USS Benfold est devenu le navire le mieux préparé au combat de la flotte du Pacifique, une réussite reconnue par la réception du Trophée Spokane en 1999. C'était également le lieu de travail le plus recherché par les marins et il était très rentable sur le plan financier.16 Les exemples commerciaux d'organisations génératives, telles que 3M, Southwest Airlines et Chaparral Steel, sont bien connus, mais la dynamique de leur créativité n'a pas encore été pleinement explorée. L'auteur a mené une exploration parallèle en analysant la dynamique d'un célèbre centre de recherche et de développement naval, China Lake.17 D'après ces exemples et d'autres, il ne fait guère de doute que la créativité et le flux d'informations génératif vont généralement de pair.

Par exemple, l'étude de China Lake, une organisation extrêmement générative, a révélé plusieurs caractéristiques remarquables. L'organisation a constamment réalisé des performances dépassant les attentes habituelles, faisant souvent honte aux efforts d'autres organisations (le missile Sidewinder en est un exemple clé). L'organisation faisait preuve d'une grande flexibilité et semblait excellente dans l'utilisation de sa propre expérience et de celle d'autres organisations. Une "communauté de sages" gardait soigneusement la trace des références et des apprentissages, et essayait de faire correspondre les personnes avec les tâches à accomplir. Une latitude inhabituelle a été accordée aux individus pour qu'ils développent leurs propres idées, y compris en détournant des fonds de projets plus classiques vers ceux qui impliquaient une plus grande créativité. Le management interne et le sponsoring de la marine ont soutenu des projets bien au-delà de la mission de l'organisation, y compris un programme préliminaire de satellite spatial qui a été tenu à l'écart de tout discours officiel et un programme de sous-marin développé depuis cette base en plein désert !

Mais qu'en est-il de la sécurité ? Les environnements génératifs sont-ils réellement plus sûrs ? Et si oui, pourquoi ? Il est certain que les processus associés à la résolution des problèmes latents, que Reason a qualifiés de pathogènes latents, semblent fortement liés au flux d'informations : identification, reporting, résolution des problèmes et mise en œuvre.18 La réponse de l'USS Benfold à une dangereuse fuite de carburant a été de suggérer de résoudre le problème à l'échelle de l'escadron, une solution que d'autres capitaines ont jugée inutile.19 C'est typique. Southwest Airlines, qui est certainement une compagnie aérienne générative, a également un excellent bilan en matière de sécurité. L'une des raisons en est un système de suggestions et de reporting fortement soutenu par une culture d'entreprise très responsabilisante.20

Le lien entre la culture organisationnelle et le traitement de l'information est qu'une meilleure culture organisationnelle conduit à un meilleur traitement. Ce qui devient un enjeu politique pour l'organisation pathologique, ou qui est simplement ignoré par l'organisation bureaucratique, est utilisé efficacement par l'organisation générative. C'est encore plus évident si nous classons les réponses aux signaux indiquant que les choses ne vont pas bien. J'ai suggéré que les réponses aux anomalies - c'est-à-dire aux indicateurs potentiels de pathogènes latents - pouvaient être classées en six types : suppression, encapsulation, relations publiques, solution locale, solution globale et investigation :


Réponse à une anomalie.

Suppression : faire du tort à la personne qui met en lumière l'anomalie ou l'empêcher de le faire ; "tirer sur le messager".
Encapsulation : isoler le messager, afin que le message ne soit pas entendu.
Relations publiques : replacer le message "dans son contexte" pour en minimiser l'impact.
Solution locale : répondre au cas présenté, mais ignorer la possibilité qu'il y en ait d'autres ailleurs.
Solution globale : tentative de répondre au problème où qu'il se trouve. Courant dans l'aviation, lorsqu'un problème unique attire l'attention sur des problèmes similaires ailleurs.
Investigation : tentative de s'attaquer aux "causes profondes" du problème.

Conclusion

La culture d'une unité médicale est donc typiquement façonnée par les préoccupations du management. Ces préoccupations et ces priorités sont intégrées par le personnel, qui opère alors en les gardant à l'esprit. Les informations circulent, ou non. Les problèmes seront abordés, ou non. Étant donné que la plupart des travaux médicaux impliquent des équipes, l'information est le ciment qui permet à l'équipe de rester concentrée et coordonnée. Si le ciment est mou, l'équipe le sera aussi. La culture représente donc ces habitudes de pensée et d'action. En changeant la culture, pratiquement tout peut changer - la confiance, l'ouverture, la fiabilité et même la compétence. Une culture générative utilisera au mieux ses atouts, une culture pathologique ne le fera pas. C'est ce que prédit la théorie et ce que montrent les études de cas. Mais il reste encore à déterminer si la culture a des effets systématiques selon les principes que nous avons esquissés sur une plus grande échelle. Si c'est le cas, nous devons accorder plus d'attention aux forces qui façonnent la culture de nos équipes médicales et de nos organisations médicales. Nous avons besoin des avantages et de l'immunité relative que procure une bonne "enveloppe humaine".

Conséquences pour la pratique clinique

• Le leadership de l'unité médicale façonne la culture, qui façonne le flux d'informations.
• Une bonne circulation de l'information et un traitement adéquat de celle-ci ont des effets importants sur la sécurité des patients.
• En particulier, une culture ouverte et générative se traduira par une meilleure adoption des innovations et une meilleure réponse aux signaux de danger.
• Une culture générative exige que l'alignement, la prise de conscience et la responsabilisation (empowerment) se substituent à la méfiance, à l'isolement et à la passivité.
• Une culture de la recherche délibérée contribuera à apporter des améliorations fondamentales au système, plutôt que de se contenter de solutions rapides.

Messages clés

• Pour pouvoir travailler avec la culture organisationnelle et la comprendre, nous avons besoin de disposer d'une typologie des environnements organisationnels.
• Le style de traitement de l'information est un élément utile pour une telle typologie, car l'information est importante directement et est corrélée à d'autres caractéristiques de la culture de l'organisation.
• Les trois styles typiques de traitement de l'information sont le pathologique, le bureaucratique et le génératif.
• Ces styles sont déterminés par les préoccupations des dirigeants, notamment l'accent mis sur les besoins personnels, les objectifs bureaucratiques et la mission de l'organisation.
• Ces styles sont associés à des réponses différentes aux signes de difficultés et aux opportunités d'innovation.
• La culture est évolutive. Avec un nouveau leadership, un environnement doté d'un certain type de culture peut se transformer en un autre.

Remerciements

L'auteur remercie A. Edmondson, H. Kaplan, K. Sutherland et R. Wears pour leur contribution à une première version de ce document.

Références

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  2. Westrum R, Adamski A. Organizational factors associated with safety and mission success in aviation environments. In: Garland DJ, Wise JA, Hopkins VD, eds. Aviation human factors. Hillsdale, NJ: Lawrence Erlbaum, 1999.
  3. Westrum R. Organizational and interorganizational thought. Presentation to World Bank conference on Systems Safety, 1988. (Available from the author upon request.)
  4. Westrum R. Social intelligence about hidden events: its significance for science and social policy. Knowledge, Creation, Diffusion, Utilization 1982;3:381–400.
  5. Guest RH. Organizational change: the effect of successful leadership. Homewood, IL: Dorsey Press, 1962:90–1.
  6. Daley R. Man with a gun. New York: Simon and Schuster, 1988.
  7. Pear R. Medicare official claims intimidation over cost estimates. New York Times 2004;14 March: 1, 22.
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