« Une typologie des organisations culturelles » : différence entre les versions

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Auteur : Professeur Ron Westrum, Département de sociologie, Eastern Michigan University, Ypsilanti, MI 48197, USA ; [mailto:ronwestrum@aol.com onwestrum@aol.com]<br />
Auteur : Professeur Ron Westrum, Département de sociologie, Eastern Michigan University, Ypsilanti, MI 48197, USA ; [mailto:ronwestrum@aol.com onwestrum@aol.com]<br />
Source : A typology of organisational cultures - Qual Saf Health Care<br />
Source : A typology of organisational cultures - Qual Saf Health Care<br />
Date : 2004
Date : 2004<br/>
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Traducteur : Fabrice Aimetti<br />
Traducteur : Fabrice Aimetti<br />
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  Il est largement admis que la culture organisationnelle influence de nombreux aspects de la performance, y compris la sécurité. Pourtant, il est difficile de trouver des preuves de cette relation dans un contexte médical. Contrairement aux facteurs humains, dont les contributions sont nombreuses et notables, l'impact de la culture reste un concept de bon sens plutôt que scientifique. Les objectifs de ce document sont de montrer que la culture organisationnelle a une relation prédictive avec la sécurité et que certains types de culture organisationnelle améliorent la sécurité, et de développer une typologie prédictive de la performance en matière de sécurité. Étant donné que le flux d'informations est à la fois influent et révélateur d'autres aspects de la culture, il peut être utilisé pour prédire le comportement des organisations ou de certaines parties d'entre elles lorsque des signes de problèmes apparaissent. Des études de cas et quelques recherches systématiques montrent que la culture de l'information est effectivement associée aux rapports d'erreurs et à la performance, y compris la sécurité. Cependant, cette relation entre la culture et la sécurité doit être explorée plus en profondeur avant de pouvoir être considérée comme certaine.
  Il est largement admis que la culture organisationnelle influence de nombreux aspects de la performance, y compris la sécurité. Pourtant, il est difficile de trouver des preuves de cette relation dans un contexte médical. Contrairement aux facteurs humains, dont les contributions sont nombreuses et notables, l'impact de la culture reste un concept de bon sens plutôt que scientifique. Les objectifs de ce document sont de montrer que la culture organisationnelle a une relation prédictive avec la sécurité et que certains types de culture organisationnelle améliorent la sécurité, et de développer une typologie prédictive de la performance en matière de sécurité. Étant donné que le flux d'informations est à la fois influent et révélateur d'autres aspects de la culture, il peut être utilisé pour prédire le comportement des organisations ou de certaines parties d'entre elles lorsque des signes de problèmes apparaissent. Des études de cas et quelques recherches systématiques montrent que la culture de l'information est effectivement associée aux rapports d'erreurs et à la performance, y compris la sécurité. Cependant, cette relation entre la culture et la sécurité doit être explorée plus en profondeur avant de pouvoir être considérée comme certaine.


Une typologie des cultures organisationnelles est décrite, basée sur le style de traitement des informations adopté par une unité médicale. Une culture est définie comme le modèle de réponse de l'organisation aux problèmes et aux opportunités qu'elle rencontre. Trois types dominants - pathologique, bureaucratique et génératif - sont décrits. Ces types sont influencés par les préoccupations des dirigeants de l'unité. Le personnel répond ensuite à ces priorités, créant ainsi la culture. L'accent mis sur les besoins personnels conduit à un environnement pathologique, l'accent mis sur le fonctionnement du service à un style bureaucratique et l'accent mis sur la mission à un style génératif. Ces types d'organisation réagissent de manière caractéristique aux signes de difficultés et aux opportunités d'innovation. La valeur d'une culture d'investigation réfléchie est illustrée par des études de cas. Bien que les études de cas étayant ce schéma soient nombreuses, les tests systématiques de l'hypothèse sont plus difficiles à trouver. Si certaines études systématiques démontrent une relation entre les résultats médicaux et les trois cultures, d'autres ne la démontrent pas. Néanmoins, cela représente un moyen original d'aborder le problème de la caractérisation de la culture des unités médicales.<br/>
Une typologie des cultures organisationnelles est décrite, basée sur le style de traitement des informations adopté par une unité médicale. Une culture est définie comme le modèle de réponse de l'organisation aux problèmes et aux opportunités qu'elle rencontre. Trois types dominants - pathologique, bureaucratique et génératif - sont décrits. Ces types sont influencés par les préoccupations des dirigeants de l'unité. Le personnel répond ensuite à ces priorités, créant ainsi la culture. L'accent mis sur '''les besoins personnels''' conduit à un environnement pathologique, l'accent mis sur '''le fonctionnement du service''' à un style bureaucratique et l'accent mis sur '''la mission''' à un style génératif. Ces types d'organisation réagissent de manière caractéristique aux signes de difficultés et aux opportunités d'innovation. La valeur d'une culture d'investigation réfléchie est illustrée par des études de cas. Bien que les études de cas étayant ce schéma soient nombreuses, les tests systématiques de l'hypothèse sont plus difficiles à trouver. Si certaines études systématiques démontrent une relation entre les résultats médicaux et les trois cultures, d'autres ne la démontrent pas. Néanmoins, cela représente un moyen original d'aborder le problème de la caractérisation de la culture des unités médicales.<br/>
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La culture façonne la réponse d'une organisation aux problèmes. L'idée la plus utile est probablement de considérer la culture comme l'ensemble des processus qui façonnent la réponse de l'organisation aux défis auxquels elle est confrontée. Il est utile de considérer les réponses des organisations comme formant des modèles cohérents. Nous pourrions considérer la culture d'une organisation comme analogue à la personnalité d'un individu. Les différences entre les schémas de réponse peuvent être frappantes. Par exemple, le politologue Robert Putnam a systématiquement comparé les schémas d'action des nouveaux gouvernements régionaux italiens. Chacun de ces gouvernements reflétait la culture dominante de sa région. Chacun d'entre eux avait des réactions systématiquement différentes, même pour des questions simples telles que répondre à une lettre d'électeurs.<br/>
La culture façonne la réponse d'une organisation aux problèmes. L'idée la plus utile est probablement de considérer la culture comme l'ensemble des processus qui façonnent la réponse de l'organisation aux défis auxquels elle est confrontée. Il est utile de considérer les réponses des organisations comme formant des modèles cohérents. Nous pourrions considérer la culture d'une organisation comme analogue à la personnalité d'un individu. Les différences entre les schémas de réponse peuvent être frappantes. Par exemple, le politologue Robert Putnam a systématiquement comparé les schémas d'action des nouveaux gouvernements régionaux italiens. Chacun de ces gouvernements reflétait la culture dominante de sa région. Chacun d'entre eux avait des réactions systématiquement différentes, même pour des questions simples telles que répondre à une lettre d'électeurs.<br/>
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L'idée sous-jacente est que les dirigeants, par leurs préoccupations, façonnent la culture d'une unité. Par leurs actions symboliques, ainsi que par les récompenses et les punitions, les dirigeants communiquent ce qu'ils jugent important. Ces préférences deviennent alors la préoccupation du personnel de l'organisation, car les récompenses, les punitions et les ressources suivent les préférences des dirigeants. Ceux qui s'alignent sur les préférences seront récompensés, et ceux qui ne le sont pas seront mis de côté. La plupart des membres de longue date de l'organisation savent instinctivement comment lire les tendances et ceux qui ne le font pas ne tardent pas à en payer le prix fort.<br/>
L'idée sous-jacente est que les dirigeants, par leurs préoccupations, façonnent la culture d'une unité. Par leurs actions symboliques, ainsi que par les récompenses et les punitions, les dirigeants communiquent ce qu'ils jugent important. Ces préférences deviennent alors la préoccupation du personnel de l'organisation, car les récompenses, les punitions et les ressources suivent les préférences des dirigeants. Ceux qui s'alignent sur les préférences seront récompensés, et ceux qui ne le sont pas seront mis de côté. La plupart des membres de longue date de l'organisation savent instinctivement comment lire les tendances et ceux qui ne le font pas ne tardent pas à en payer le prix fort.<br/>
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J'identifierais trois modèles spécifiques. Le premier est une préoccupation pour le pouvoir, les besoins et la gloire personnels. Le deuxième est une préoccupation pour les règles, les positions et le territoire couvert par le service. Le troisième consiste à se concentrer sur la mission elle-même, plutôt que sur les personnes ou les postes. J'appelle cela, respectivement, des schémas pathologiques, bureaucratiques et génératifs. Ces préoccupations génèrent l'ambiance de travail reconnaissable qui affectent le traitement de l'information et d'autres activités cognitives. Cette ambiance de travail influencent des activités telles que la communication, la coopération, l'innovation et la résolution de problèmes. Bien que cette corrélation soit une hypothèse, elle repose sur un nombre considérable d'observations et d'études. Les facteurs à l'origine de cette corrélation sont encore en cours d'étude. La typologie est présentée dans le tableau 1 :<br/>
J'identifierais trois modèles spécifiques :
# Le premier est une préoccupation pour le pouvoir, les besoins et la gloire personnels.  
# Le deuxième est une préoccupation pour les règles, les positions et le territoire couvert par le service.  
# Le troisième consiste à se concentrer sur la mission elle-même, plutôt que sur les personnes ou les postes.  
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J'appelle cela, respectivement, des schémas pathologiques, bureaucratiques et génératifs. Ces préoccupations génèrent l'ambiance de travail reconnaissable qui affectent le traitement de l'information et d'autres activités cognitives. Cette ambiance de travail influencent des activités telles que la communication, la coopération, l'innovation et la résolution de problèmes. Bien que cette corrélation soit une hypothèse, elle repose sur un nombre considérable d'observations et d'études. Les facteurs à l'origine de cette corrélation sont encore en cours d'étude. La typologie est présentée dans le tableau 1 :<br/>
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[[Fichier:How organisations process information FR.png|border|link=|800px]]<br/>
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Le système se concentre sur le flux d'informations en tant que variable clé. Le flux d'informations ne comprend pas seulement la quantité d'informations qui circulent d'un point A à un point B, mais aussi leur pertinence, leur caractère opportun et leur adéquation au destinataire. Les organisations génératives transmettent les informations nécessaires à la bonne personne, sous la bonne forme et dans les délais impartis. Ce comportement est basé sur la conviction du dirigeant que l'objectif le plus important est d'accomplir la mission. La clé qui guide le comportement en matière de communication est donc la suivante : "Qui a besoin de l'information maintenant ?" Les organisations génératives ont tendance à être proactives et à transmettre l'information aux bonnes personnes par tous les moyens nécessaires.5<br/>
Le système se concentre sur le flux d'informations en tant que variable clé. Le flux d'informations ne comprend pas seulement la quantité d'informations qui circulent d'un point A à un point B, mais aussi leur pertinence, leur caractère opportun et leur adéquation au destinataire. Les organisations génératives transmettent les informations nécessaires à la bonne personne, sous la bonne forme et dans les délais impartis. Ce comportement est basé sur la conviction du dirigeant que l'objectif le plus important est d'accomplir la mission. La clé qui guide le comportement en matière de communication est donc la suivante : "Qui a besoin de l'information maintenant ?" Les organisations génératives ont tendance à être proactives et à transmettre l'information aux bonnes personnes par tous les moyens nécessaires.5<br/>
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Comment une culture se transforme-t-elle en une autre ? La réponse la plus simple est qu'un changement de dirigeants précipite souvent de tels changements, comme le suggère par exemple le succès d'Abrashoff sur l'USS Benfold. Pour illustrer la création d'un environnement pathologique, prenons l'exemple de l'influence délétère d'Arthur Holland sur la culture de la base aérienne de Fairchild.<sup>30</sup> Holland, pilote de B-52 indiscipliné, ignorait régulièrement les règlements et exposait son avion et son équipage à un danger extrême. Mais il était admiré par ses commandants, si bien que ses actions excessives n'entraînaient que de légères sanctions et suscitaient au contraire des émules parmi d'autres pilotes indisciplinés. Seul son accident suicidaire à bord d'un B-52 a mis fin à son influence sur la base et a donné lieu à des investigations. Il est également possible que les dirigeants d'une organisation décident consciemment de maintenir un type particulier de culture, afin d'attirer les meilleurs praticiens. Entre-temps, l'étude de la dynamique de la création d'une ambiance de travail dans l'univers médical n'en est qu'à ses balbutiements. Il s'agirait d'une orientation prometteuse pour les recherches futures.<br/>
Comment une culture se transforme-t-elle en une autre ? La réponse la plus simple est qu'un changement de dirigeants précipite souvent de tels changements, comme le suggère par exemple le succès d'Abrashoff sur l'USS Benfold. Pour illustrer la création d'un environnement pathologique, prenons l'exemple de l'influence délétère d'Arthur Holland sur la culture de la base aérienne de Fairchild.<sup>30</sup> Holland, pilote de B-52 indiscipliné, ignorait régulièrement les règlements et exposait son avion et son équipage à un danger extrême. Mais il était admiré par ses commandants, si bien que ses actions excessives n'entraînaient que de légères sanctions et suscitaient au contraire des émules parmi d'autres pilotes indisciplinés. Seul son accident suicidaire à bord d'un B-52 a mis fin à son influence sur la base et a donné lieu à des investigations. Il est également possible que les dirigeants d'une organisation décident consciemment de maintenir un type particulier de culture, afin d'attirer les meilleurs praticiens. Entre-temps, l'étude de la dynamique de la création d'une ambiance de travail dans l'univers médical n'en est qu'à ses balbutiements. Il s'agirait d'une orientation prometteuse pour les recherches futures.<br/>
==Discussion==
Bien que les études ponctuelles sur la culture de la sécurité médicale soient utiles, le véritable besoin est celui d'un schéma qui saisisse une ou quelques dimensions d'une manière facile à comprendre.<sup>31</sup> Les dimensions doivent être suffisamment claires pour que les individus puissent y positionner leurs organisations. Sinon, la culture devient un sujet obscur qui ne peut être mesuré qu'à l'aide d'un questionnaire. Il est vrai que certains questionnaires qui mesurent des traits de personnalité ou des ensembles d'attitudes peuvent être utiles pour évaluer la culture, comme le Flight Management Attitudes Questionnaire utilisé par Helmreich et d'autres.<sup>32</sup> En mesurant les attitudes de la main-d'œuvre d'une organisation, nous pouvons avoir un aperçu de certains aspects importants de la culture. Cependant, la culture façonne l'action dans de nombreux domaines importants, des tâches quotidiennes à l'innovation, et fournit des indications importantes sur la manière dont les choses peuvent mal tourner.<sup>33</sup> Même le type d'agents pathogènes latents que l'on rencontre est fonction de la culture de l'organisation.<sup>34</sup><br/>
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Le processus par lequel les préoccupations du dirigeant se traduisent dans la culture des employés est bien décrit par Abrashoff. Une fois mis en place, l'ambiance de travail dans une unité a une forte capacité à influencer les résultats. Cela est dû en grande partie aux effets omniprésents du flux d'informations, dont les problèmes ont été associés à tant d'accidents. Abrashoff a réussi à changer la culture de Benfold en quelques mois seulement. D'autre part, les cultures régionales décrites par Putnam existent depuis des siècles. Un navire, même s'il fait partie d'une flotte, est une unité isolée. En revanche, une culture régionale ou nationale est susceptible de rester inchangée sur de longues périodes. C'est pourquoi nous ne devons pas négliger le rôle de l'environnement au sens large. Chaque unité médicale fait partie d'un ensemble plus vaste : un hôpital, une clinique, un organisme de santé. Comment l'ambiance de travail de cette organisation élargie affecte-t-elle celle de l'unité en question ? L'unité générative isolée devient-elle une "Cendrillon", la cible de railleries hostiles et d'actions politiques ? C'est ce qui est arrivé au laboratoire naval très performant que j'ai étudié. Une étude sur la formation des équipes des services d'urgence a souligné la nécessité de prendre en compte le contexte élargi.<sup>35</sup> La culture pathologique isolée est-elle corrigée ou contamine-t-elle l'environnement dans son ensemble ? Souvent, les unités pathologiques peuvent échapper à des performances horribles si elles ont les bonnes relations politiques, si elles sont capables d'obtenir des subventions ou si elles ont un taux de publications élevé. Dans de nombreux hôpitaux, il est notoire que certaines unités et certains individus, en raison de leur statut d'élite, peuvent s'en tirer à bon compte. Le contexte est donc important.<br/>


==Conclusion==
==Conclusion==
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# Edmondson AC. Speaking up in the operating room: how team leaders promote learning in interdisciplinary action teams. Journal of Management Studies 2003;40(6):1419–52.
# Edmondson AC. Speaking up in the operating room: how team leaders promote learning in interdisciplinary action teams. Journal of Management Studies 2003;40(6):1419–52.
# Edmondson AC, Bohmer RM, Pisano GP. Disrupted routines: team learning and new technology implementation in hospitals. Administrative Science Quarterly 2001;46:685–716.
# Edmondson AC, Bohmer RM, Pisano GP. Disrupted routines: team learning and new technology implementation in hospitals. Administrative Science Quarterly 2001;46:685–716.
# Kern T. Darker shades of blue: the rogue pilot. New York: McGraw-Hill, 1999:29–52.
# Pronovost PJ, Weast B, Holzmueller CG, et al. Evaluations of the culture of safety: survey of clinicians and managers in an academic medical center. Qual Saf Health Care 2003;12:405–410.
# Helmreich R, Merritt A. Culture at work in aviation and medicine. Aldershot: Ashgate, 1998.
# Westrum R. Models of bureaucratic failure. In: Edkins G, Pfister P, eds. Innovation and Consolidation in Aviation. Aldershot: Ashgate, 2003:31–7.
# Westrum R. The removal of latent pathogens. Australian Aviation Psychologists’ Symposium, Sydney, Australia, December, 2003.
# Morey JC, Simon R, Jay GD, et al. Error reduction and performance improvement in the emergency department through formal teamwork training: evaluation results of the MedTeams project. Health Services Research 2002;37:1553–81.