« Comment les lieux de travail deviennent-ils toxiques » : différence entre les versions
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Auteur : '''Dave Algoso''' ([https://www.algoso.org/opencolab Open CoLab], [https://www.algoso.org/contact Contact], [https://dalgoso.medium.com/ Medium])<br /> | Auteur : '''Dave Algoso''' ([https://www.algoso.org/opencolab Open CoLab], [https://www.algoso.org/contact Contact], [https://dalgoso.medium.com/ Medium])<br /> | ||
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* Les cultures '''toxiques''' ne se contentent pas de vous épuiser : elles vous empoisonnent. Elles vous renvoient chez vous à la fin de la journée dans un état pire que celui que vous aviez avant : meurtri, anxieux, en colère. Les cultures toxiques sont souvent un mélange dangereux de micro-management, de micro-agressions, de violations de l'éthique, de harcèlement et de coups de poignard dans le dos. | * Les cultures '''toxiques''' ne se contentent pas de vous épuiser : elles vous empoisonnent. Elles vous renvoient chez vous à la fin de la journée dans un état pire que celui que vous aviez avant : meurtri, anxieux, en colère. Les cultures toxiques sont souvent un mélange dangereux de micro-management, de micro-agressions, de violations de l'éthique, de harcèlement et de coups de poignard dans le dos. | ||
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À travers ce continuum, il existe de nombreuses façons de se situer dans chaque domaine. Une startup peut avoir une culture soutenante à rythme rapide ou une culture toxique à rythme rapide. Un département universitaire ou un groupe de réflexion peut avoir une culture soutenante, voire nourricière, à rythme lent, ou une atmosphère toxique et brutale. Il ne s'agit là que d'une dimension : je pense que toutes les cultures professionnelles se situent sur ce continuum, mais cela ne veut pas dire que deux cultures qui se situent sur le même intervalle sont identiques.<br/> | À travers ce continuum, il existe de nombreuses façons de se situer dans chaque domaine. Une startup peut avoir une culture soutenante à rythme rapide ou une culture toxique à rythme rapide. Un département universitaire ou un groupe de réflexion peut avoir une culture soutenante, voire nourricière, à rythme lent, ou une atmosphère toxique et brutale. Il ne s'agit là que d'une dimension : je pense que toutes les cultures professionnelles se situent sur ce continuum, mais cela ne veut pas dire que deux cultures qui se situent sur le même intervalle sont identiques.<br/> | ||
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Les leaders individuels ne contrôlent pas la culture (encore une fois, il ne s'agit pas d'un ensemble de cadrans). Nous avons tous une influence sur les expériences de ceux qui nous entourent. Et de nombreuses personnes essaient, même dans une culture toxique, d'être une source de soutien pour leurs équipes et leurs collègues. D'un autre côté, certains sont des sources de toxicité dans des cultures par ailleurs nourrissantes.<br/> | Les leaders individuels ne contrôlent pas la culture (encore une fois, il ne s'agit pas d'un ensemble de cadrans). Nous avons tous une influence sur les expériences de ceux qui nous entourent. Et de nombreuses personnes essaient, même dans une culture toxique, d'être une source de soutien pour leurs équipes et leurs collègues. D'un autre côté, certains sont des sources de toxicité dans des cultures par ailleurs nourrissantes.<br/> | ||
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Le plus difficile lorsqu'il s'agit d'aborder la question de la toxicité dans la culture est que nous absorbons et reflétons tous ce qui nous entoure. Si un collègue est méchant avec nous, nous sommes plus susceptibles d'être méchants avec la personne suivante. Si le directeur micromanage mon travail, je suis plus susceptible de micromanager les personnes qui travaillent pour moi - non seulement en raison de la puissance de l'exemple, mais aussi parce qu'un superviseur qui micromanage s'implique souvent excessivement dans les détails tout au long de la chaîne.<br/> | |||
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[[Fichier:It's not your job to fix a toxic workplace from the bottom.png|border|link=https://twitter.com/AdamMGrant/status/1509538446691471368|500px]]<br/> | |||
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Ce récent tweet d'[https://adamgrant.net/ Adam Grant] (psychologue organisationnel, professeur d'école de commerce et auteur d'une conférence TED) a trouvé sa place dans mon fil d'actualité. Il a globalement raison. Mais il existe de nombreuses parties d'une organisation qui ne sont ni le haut ni le bas de l'échelle. La plupart d'entre nous passons la majeure partie de notre carrière quelque part au milieu. Depuis le milieu, nous sommes confrontés à davantage de choix concernant les aspects de la culture que nous propageons et ceux que nous essayons de modifier.<br/> | |||
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J'ai été de l'autre côté de la conversation que j'ai décrite plus haut, annonçant à quelqu'un qu'il n'avait plus d'emploi ou apprenant qu'il avait décidé de partir en raison de problèmes dont il n'était finalement pas responsable. Parfois, c'est parce qu'une culture épuisante ou toxique les a épuisés et que nous n'avons pas réussi à leur donner l'espace nécessaire pour se rétablir. D'autres fois, c'était parce qu'ils étaient eux-mêmes devenus un amplificateur de toxicité.<br/> | |||
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Je ne pense pas que mon style de management ait jamais été vécu comme une source de toxicité. Mais comment le saurais-je ? À plusieurs reprises, j'ai consciemment cherché à faire évoluer une culture neutre, épuisante ou toxique vers une culture plus nourricière. Parfois, on ne peut pas le faire sans risquer de contrarier quelqu'un, car la vérité est que certaines personnes tirent profit de la toxicité.<br/> | |||
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Ce qui m'amène à la dernière chose importante que j'ai apprise...<br/> | |||
==Les organisations résistent au changement par une inertie passive et des anticorps actifs== | |||
Lorsqu'on m'a proposé de démissionner ou d'être licencié, j'ai décidé de ne pas répondre sur-le-champ. J'ai quitté la pièce et j'ai contacté les ressources humaines. J'étais vraiment naïf.<br/> | |||
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Je m'arrête ici pour dire que les RH sont la fonction la plus critique et la plus sous-estimée dans la plupart des organisations. De bonnes équipes de RH peuvent être déterminantes pour le personnel, la culture et la mission d'une organisation.<br/> | |||
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Mais dans de nombreuses grandes organisations, les RH existent pour servir les intérêts de l'organisation, et non pour protéger le salarié. J'avais déjà entendu cela, mais je ne l'avais pas encore totalement intégré. Comme tant d'autres, j'étais persuadée que notre service des ressources humaines serait différent. Comme tant d'autres, j'avais tort. Lorsque j'ai décrit ma situation, ils n'ont pas pu dire s'il était logique de licencier quelqu'un immédiatement après lui avoir offert une promotion, mais ils ont dit que c'était la décision du directeur du programme. Lorsque j'ai décrit les problèmes globaux du programme, je n'ai pas obtenu beaucoup de réponses.<br/> | |||
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Mon amie [https://jafsadi.works/ Anna Levy] a interrogé des personnes confrontées à des préjudices bien plus graves sur leur lieu de travail (notamment la fraude, la violence et la discrimination) dans le cadre de ses recherches sur [la contestation et la dénonciation dans les organisations internationales]. Elle a dressé la carte des stratégies utilisées par ces personnes pour exprimer leur désaccord et de la manière dont leurs organisations ont réagi.<br/> | |||
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Les contestataires sont confrontés à toute une série de représailles et d'actions punitives, telles que le non-renouvellement de contrats, des enquêtes par représailles, des réaffectations défavorables et des mises en garde contre l'existence même d'un problème. Levy documente cet éventail de réponses en détail - avertissement : il se peut que vous reconnaissiez vos expériences passées dans son rapport.<br/> | |||
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J'ai tendance à classer les réponses organisationnelles en deux grandes catégories : l'inertie passive et les anticorps actifs. L'inertie est tout simplement la loi de la physique qui dit que la plupart des choses (personnes, organisations, rochers, etc.) ont tendance à ne pas changer de cap. Nous devons admettre qu'une partie de l'incapacité d'une organisation à répondre à la contestation n'est qu'une préférence pour ne pas répondre à quoi que ce soit.<br/> | |||
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Mais les anticorps actifs sont d'une toute autre nature. Levy les documente clairement. Les organisations utilisent divers leviers pour écraser la contestation. En fait, comme les leaders toxiques prospèrent grâce à l'approche "lécher les bottes et chier", il n'est pas surprenant que les leviers organisationnels soient utilisés pour maintenir une culture toxique : un leader toxique utilisera tous les pouvoirs dont il dispose pour maintenir ce pouvoir.<br/> | |||
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==Récapitulons ces cinq points== | |||
# '''Les cultures plus nourricières conduisent à un meilleur travail. Les cultures toxiques entraînent une détérioration du travail, des départs de personnel et des manquements à l'éthique.''' | |||
# '''La culture du travail est imbriquée : elle découle de la macro-culture et comporte des micro-cultures.''' | |||
# '''La culture est le reflet du leadership.''' | |||
# '''Nous participons tous à la propagation de la culture organisationnelle, même si nous n'avons pas tous le même pouvoir sur celle-ci.''' | |||
# '''Les organisations résistent au changement par une inertie passive et des anticorps actifs.''' | |||
Tout cela mène à une conclusion peu réjouissante : il existe des facteurs macroéconomiques importants qui causent des préjudices microéconomiques très réels à la santé, au bien-être, à la sécurité économique et aux aspirations professionnelles des individus, ce qui, à son tour, a des effets macroéconomiques, car toutes nos organisations et entreprises vont faire du travail de moindre qualité. Comment sortir de ce cercle vicieux ?<br/> | |||
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Il existe des réponses au niveau microéconomique qui peuvent aider votre organisation à être "la meilleure de sa catégorie" : un meilleur recrutement, en particulier au niveau de la direction ; davantage d'opportunités de croissance ; plus de contrôle et de prévisibilité sur votre travail ; davantage d'opportunités pour le leadership du personnel et de vecteurs pour la contestation. Ce sont là de bonnes choses. Mais elles n'ont qu'une valeur limitée dans un contexte plus large.<br/> | |||
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Il existe également des changements structurels dans les organisations qui, selon moi, peuvent conduire à de meilleures cultures. Les syndicats connaissent un regain d'intérêt, notamment à la suite de la récente syndicalisation réussie d'un entrepôt d'Amazon à Staten Island. Les coopératives offrent une forme de participation encore plus directe. Dans les contextes appropriés, ces structures peuvent contribuer à la réalisation des points 4 et 5 ci-dessus : donner aux personnes les plus impactées par la culture une plus grande influence sur celle-ci, et créer des vecteurs de changement positif de la culture.<br/> | |||
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Mais nous sommes toujours confrontés aux aspects imbriqués de la culture du lieu de travail : elle découle de la culture sociétale, qui est profondément déstructurée. C'est malheureusement un travail plus long et plus lent. Cela signifie qu'il faut réparer ou remplacer les institutions défaillantes et changer un système politique qui nous donne des dirigeants qui luttent pour prendre de bonnes décisions (ou pire : qui sont incités à prendre de mauvaises décisions). Cela implique des approches radicalement différentes de la part des plateformes technologiques qui prospèrent sur la toxicité, en l'amplifiant dans nos foyers, nos communautés et nos lieux de travail.<br/> | |||
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Ce qui me donne de l'espoir dans ce cercle vicieux, c'est que je pense que de plus en plus de personnes ayant un pouvoir économique et organisationnel se rendent compte qu'elles ne peuvent pas construire une île de culture efficace dans une mer houleuse. Ils ne peuvent pas "gagner" dans leur secteur alors que le monde entier est en train de perdre. Peut-être que cela changera leur façon de s'engager en politique, et peut-être (''peut-être'') qu'un peu plus d'entre eux commenceront à être des alliés pour réparer le système dans son ensemble. | |||