Certification, shmertification !

De Wiki Agile

Auteur : Michel Baudin
Source : Certification, shmertification!
Date : 11/01/2012


Traducteur : Fabrice Aimetti
Date : 27/08/2024


Traduction :



Plusieurs commentaires sur l'article Six Sigma R.I.P. ont abordé la question de la certification. Avec le système des ceintures, cette question est bien sûr au cœur de Six Sigma et, avec Six Sigma dans le sillage de Lean, elle se confond avec celle de la certification Lean, comme en témoignent les champions Lean des usines qui se présentent comme des Black Belts (ceintures noires).

Dans son commentaire, R. Kester a déclaré ce qui suit :

La certification est le moyen reconnu de communiquer aux autres que vous avez étudié avec succès et que vous pouvez appliquer les concepts et les outils de votre profession (CPA, MD, RN, PE, etc.).

Il est vrai que vous voulez un expert-comptable certifié (CPA) pour vous aider à payer vos impôts et que, si vous allez dans une clinique, vous ne voulez pas que quelqu'un, qui n'a pas les diplômes appropriés affichés sur le mur, s'occupe de votre santé. D'autre part, si vous achetez une peinture, vous ne vous souciez généralement pas de savoir si l'artiste a appris son métier dans une école des beaux-arts ou en taguant les murs de la ville : les peintures vous disent tout ce que vous avez besoin de savoir. Il existe également des domaines où la certification existe mais n'est pas nécessairement recherchée par tous. Par exemple, de nombreux départements universitaires d'ingénierie cherchent à obtenir la certification ABET (Accreditation Board for Engineering and Technology), mais certains ne le font pas, comme les départements d'ingénierie électrique du MIT, de l'UC Berkeley ou de Stanford. Leurs propres marques sont plus prestigieuses et mieux connues que l'ABET.

Dans le continuum des activités humaines certifiables, où se situe le Lean entre les médecins et les experts-comptables d'un côté et les artistes de l'autre ? Les experts en Lean vendent leurs services aux entreprises, et non aux consommateurs, et la certification sert avant tout à filtrer les candidats à l'emploi. Pour un recruteur qui n'a pas de connaissances personnelles en matière de Lean et qui doit examiner 100 CV, l'absence de certification Lean est un moyen rapide d'éliminer 80 % des candidats.Mais quelle garantie la certification Lean donne-t-elle que les 20 % restants sont les meilleurs candidats ?

Pour qu'un processus de certification aboutisse à ce résultat, il faut qu'il y ait un consensus sur un corpus de connaissances (BOK) et sur des institutions qualifiées pour certifier la compétence dans l'application de ce corpus. La médecine moderne, qui a doublé l'espérance de vie en 200 ans, est un corpus de connaissances crédible. Nous savons que ses théories sont solides car elles permettent de prévenir, de guérir ou de soigner les maladies. Nous savons que ses théories sont solides car elles permettent de prévenir, de guérir ou de juguler de nombreuses maladies. Le droit fiscal est différent, en ce sens qu'il s'agit d'un ensemble de règles définies par des personnes pour qu'elles les respectent, comme les règles du poker. À l'extérieur d'une société humaine spécifique, il n'y a pas de réalité physique correspondante. La différence entre les deux est illustrée par la scène de la bibliothèque dans Le Jour d'après (The Day After Tomorrow) : l'arrivée d'une nouvelle ère glaciaire a rendu le code des impôts bon à brûler, mais la médecine a conservé sa pertinence, comme on le voit lorsque les héros utilisent un livre de médecine pour sauver l'un des leurs (voir figure 1).


Brûler le code fiscal pour survivre dans une nouvelle ère glaciaire

Dans la mesure où elle affecte la réalité physique des usines, le Lean s'apparente davantage à la médecine qu'au droit fiscal. Toutefois, outre l'absence de consensus sur un corpus de connaissances, le Lean Manufacturing diffère de la médecine par le rôle des institutions, et en particulier du monde universitaire. La plupart des découvertes médicales sont faites dans les facultés de médecine des universités ; en revanche, presque toutes les percées dans le domaine du manufacturing ont été réalisées par des praticiens autodidactes dans des usines, sans affiliation académique. Je pense à des diplômés du secondaire comme Taiichi Ohno, Frank Gilbreth, Charles Sorensen ou Frederick Taylor. Quel que soit le consensus qui finira par émerger sur un corpus de connaissances Lean, il n'émanera pas des universités. Il ne reste donc que les organisations professionnelles et les entreprises de formation à but lucratif, sans aucune réponse à la question de savoir qui certifie les certificateurs.

En exigeant des certifications, les recruteurs des entreprises les valorisent auprès des candidats et génèrent du business à la fois pour les organismes de formation officiels et pour les usines à diplômes. Cependant, ces recruteurs ne font pas leur métier, car le prochain Taiichi Ohno ne passera pas leur examen initial.